Abbadia de las Vistillas

Le monastère tel que le définissent les premiers anachorètes est «un îlot d’ordre et de calme au sein du chaos ambiant». Madrid, son urbanisme sauvage et sans limite véritable, apparaît comme le terrain chaotique propice à l’émergence d’une entité autonome, capable non seulement de s’épanouir, mais encore de dialoguer avec la ville qui l’entoure. Le terrain du jardines de las Vistillas est à la jonction du centre-ville touristique et des quartiers périphériques plus défavorisés.
Au cœur d’un bois sur les pentes du terrain, espace de préservation et d’invitation à la découverte à la fois, émerge une masse de béton. Un rocher présent bien avant la ville qui l’entoure, érodé par le temps. Ou un météore s’étant écrasé il y a peu. La masse du monastère, sa densité est le reflet du paradoxe de la religion, des tensions qui animent l’âme entre l’abstrait et le concret, l’image et le réel, le voir et le croire. Sa forme mouvante, évoluant selon les points de vue, est le résultat d’un combat intérieur, entre les efforts pour s’adapter à la ville qui l’entoure, et la force plus intérieur d’atteindre une perfection esthétique dans son aspect.
Les espaces intérieurs du monastère paraissent creusés dans cette masse tellurique brute. Chaque espace correspond à un instant de la journée du moine, un esprit, une fonction. Concevoir le vide dans la masse offrait la plus grande liberté pour adapter chaque espace non pas à la salle contigüe, mais à la géométrie qui lui est propre, à ses besoins lumineux, à l’intériorité propre que le moine ou le pèlerin doit y puiser.
Le projet oscille entre son désir insatiable d’intériorité et la volonté d’accueil et d’ouverture à l’autre. Il se fond dans la ville par les habitants qui participent à son fonctionnement, sa construction bénévole, l’intégration qu’il propose.
La foi est le véritable constructeur. L’homme en est le ciment vivant.